416ème RI

416e régiment d’infanterie


Les régiments qui porte un numéro supérieur à 400 sont des régiments de marche, constitué à l’occasion de la campagne. Il sont constitués de troupes disponibles dans des dépôts ou des blessés suffisamment guéris. Ils vont renforcer des secteurs qui en en besoin.

Le 416e régiment d’infanterie est formé administrativement le 1er avril 1915 ; mais, dès le 11 mars, il se rassemble dans la région ouest de Montpellier. Pendant tout le mois de mars, les compagnies restent rattachées administrativement à leur corps d’origine.

Chaque régiment de la 16e région forme une compagnie.
La 1re compagnie est formée par le 76e régiment d’infanterie (Rodez) ;
La 2e compagnie est formée par le 96e régiment d’infanterie (Béziers) ;
La 3e compagnie est formée par le 143e régiment d’infanterie (Carcassonne) ;
La 4e compagnie est formée par le 80e régiment d’infanterie (Narbonne) ;
La 5e compagnie est formée par le 153e régiment d’infanterie (Béziers) ;
La 6e compagnie est formée par le 122e régiment d’infanterie (Rodez) ;
La 7e compagnie est formée par le 53e régiment d’infanterie (Perpignan) ;
La 8e compagnie est formée par le 15e régiment d’infanterie (Albi) ;
La 9e compagnie est formée par le 81e régiment d’infanterie (Montpellier) ;
La 10e compagnie est formée par le 142e régiment d’infanterie (Mende) ;
La 11e compagnie est formée par le 146e régiment d’infanterie (Castelnaudary) ;
La 12e compagnie, constituée par tous les dépôts de la 16e région, se rassemble à Castelnaudary.

Les éléments qui forment le 416e sont en général très jeunes. Le 3 avril, le 416e reçoit même un enfant de 16 ans, le caporal MOUTON, qui a déjà fait campagne pendant 3 mois, a été blessé sérieusement à Ypres et, à peine guéri, a demandé avec insistance son retour au front.

Chaque compagnie est formée par moitié d’anciens blessés qui viennent de rejoindre les dépôts et par moitié de jeunes soldats de la classe 1915, pris parmi les plus aptes et tous volontaires pour partir au front. Les hommes appartiennent à tous les recrutements de France. Les compagnies provenant des anciens régiments du 16e corps sont surtout formées d’hommes du Midi et du Centre. Les autres recrutements sont représentés par les compagnies formées par les dépôts des régiments du Nord et de l’Est qui se sont repliés dans la 16e région.

Les compagnies s’organisent et stationnent du 1er au 10 mars dans les garnisons des dépôts qui les ont formées. A partir du 10 mars, elles sont groupées par bataillons et cantonnées au sud-ouest de Montpellier.

Le 416e est formé de 3 bataillons et de 3 sections de mitrailleuses . Le régiment est commandé par le lieutenant-colonel AUDEMA. L’état-major et le 1er bataillon (commandant LECLERC) sont cantonnés à Mèze, le 2e bataillon (commandant VACHEZ) à Villevayrac, le 3e bataillon (commandant PARGOIRE, puis commandant BUJON) à Courtmonterral.

Ainsi tout le régiment se trouve à proximité des Garrigues, terrains incultes, très favorables aux manœuvres et à l’établissement des champs de tir de circonstance. Le régiment est amalgamé et instruit pendant une vingtaine de jours.                                                   


Des lieux de combats du régiment:

1915 : Cappy, Pertes les Hurlus, Tahure
1916: Verdun
1917: Chemin des Dames
1918: Mont Kemmel, Aisne, Sommepy, Ardennes

Carte reconstituant les déplacements d’un soldat du 416ème R.I. (avril 1915- mai 1918)


Le 416e est impatient de connaître sa destination. Pendant longtemps on croit que le régiment est destiné à l’armée d’Orient. Il n’en est rien. Il embarque le 5 avril à Montpellier et débarque à Cuperly (Champagne) le 7 avril.

Après quelques manœuvres et revues des nouvelles formations, le 416e repart de Dampierre-auTemple le 13 avril, embarque à Saint-Hilaire-au-Temple le même jour et arrive à Villers-Bretonneux (Somme) dans la nuit du 13 au 14 avril.

Avec le 30e régiment d’infanterie, le 416e constitue la 56e brigade (général PEILLARD). Il restera à la 28e division (général SORBETS) et au 14e corps (général BARET) jusqu’au 1er novembre 1916.

Le 416e profite des moindres arrêts pour parfaire son instruction. Du 13 au 15 avril, il manœuvre dans les bois situés à l’ouest de Villers-Bretonneux. Il quitte cette dernière ville le 16 avril, cantonne à Morcourt le même jour et arrive à Cappy, sur les bords de la Somme, le 17 avril.

Le front confié au 30e que nous venons renforcer s’étend de Dompierre à la Somme en passant par Frise. Dompierre est occupé par les Allemands. Frise est occupé par nous. Nous allons pouvoir enfin monter en secteur, nos jeunes soldats sont impatients de voir les tranchées et les boches.

Pour aguerrir ces jeunes « Bleuets » les premières relèves sont faites par moitié avec le concours d’éléments du 30e ; au bout de quinze jours le 416e relève seul. Les relèves ont lieu au début tous les 4 jours, puis à partir du 24 juin tous les 8 jours. La première relève se fait dans la nuit du 22 au 23 avril.

Les tranchées adverses sont séparées par une distance variant de 80 à 200 mètres. Des petits postes, surtout en face Dompierre, sont à 60 mètres. Le secteur est en général assez calme surtout dans la partie basse sur les bords de la Somme et devant Frise.

Pourtant dans la nuit du 6 au 7 mai, l’ennemi tente un gros coup de main dans la presqu’île de Frise, en face la Grenouillère. L’ennemi attaque après une forte préparation d’artillerie. Il est néanmoins repoussé par le groupe franc de la 5e compagnie et abandonne des tués et du matériel sur le terrain. Au moment de l’attaque, le soldat BULTEZ, de la 5e compagnie, est à son poste de sentinelle avancée. Il reçoit l’ordre de se replier, mais il s’arrête dans le réseau de fil de fer. Il interdit à l’ennemi le passage par lequel il pourrait pénétrer dans ses positions. Exposé au tir des deux lignes adverses, il fait le coup de feu pendant une heure jusqu’à ce que l’ennemi soit repoussé.     

Le secteur est beaucoup plus agité sur le plateau, vers Dompierre, dans la partie confiée à la garde du 1er bataillon. Le 1er juin, jour de la Pentecôte, le réveil est sonné par les Allemands au moyen de torpilles de gros calibre à 2 h.45 du matin. Une soixantaine de gros « tuyaux de poêle » tombent sur le secteur de la 3 e compagnie. Les explosions de mines sont assez fréquentes.

Dans la nuit du 4 au 5 juin, 2 mines allemandes explosent dans le secteur de la 4e compagnie. Un petit poste de 8 hommes commandé par le sergent BOULLETIN se trouve à 30 mètres de l’explosion. Ce petit groupe conserve tout son sang-froid. Il ne rentre à l’intérieur de la tranchée de première ligne que lorsque tout danger d’attaque a disparu et que la clarté de la lune rend sa présence inutile.

Quinze jours après, au milieu de la nuit du 20 au 21 juin, trois fourneaux de mines éclatent sur l’emplacement de la 3e section de la 4e compagnie. Les explosions comblent plus de 100 mètres de tranchée de première ligne. De plus, 500 obus environ sont envoyés par les Allemands pour augmenter le désarroi. Un caporal et sept hommes sont tués ou ensevelis, cinq autres sont blessés grièvement. Ces jeunes recrues, commandées par le jeune et brave lieutenant ANGELI, ne perdent pas leur sang-froid. Le soldat BARD Jean reste à son poste de guetteur malgré la violence de l’explosion qui bouleverse sa tranchée. La 4e section saute dans les entonnoirs et gagne une belle citation à l’ordre de l’Armée. «Immédiatement après l’explosion d’un fourneau de mine, la 4e section de la 4e compagnie du 416e régiment d’infanterie composée de jeunes gens de la classe 1915, s’est élancée sous le commandement de l’adjudant CARALP Marius et a occupé et organisé sous le feu de l’ennemi, un entonnoir produit par l’explosion, donnant un bel exemple de courage et d’énergie ! »

Les pertes subies par le 416e dans le secteur de Dompierre – Frise sont relativement peu élevées ; mais les blessures sont graves et le plus souvent mortelles. Le 19 avril, vers 9 heures, le soldat DURAGNON est blessé à la tête dans la tranchée de première ligne. Son camarade le soldat BARBAUD, dans un magnifique élan de camaraderie, de dévouement et de mépris du danger, s’empare des cartouches tachées de sang du soldat DURAGNON et s’écrie : « C’est avec ses cartouches même que je vais le venger. » Il se place immédiatement à son poste de combat et commence à tirer sur les créneaux ennemis. Il est bientôt mortellement frappé par deux balles. C’est le premier soldat du 416e qui donne sa vie pour le pays.

Le capitaine OUSSET, commandant la 8e compagnie, est le premier officier perdu par le régiment. Il est tué le 23 avril en faisant une reconnaissance en terrain découvert et en plein jour devant les tranchées de Frise.

Le soldat BEAUVILLE Georges s’offre pour aller placer un réseau de fil de fer dans une partie du secteur très importante et continuellement battue par l’ennemi. Il est mortellement blessé au moment où il va terminer sa besogne. Avant de rendre le dernier soupir, il dit à son capitaine : « Je suis content de mourir, car j’ai fait mon devoir ! ».

Son camarade, CLAUDINE Florentin, volontaire pour la même tâche, le ramène dans les lignes puis revient tranquillement à son travail faisant preuve ainsi du plus grand sang-froid.

Ces quelques actions d’éclat individuelles ou collectives montrent que le jeune 416e possède déjà le calme des vieilles troupes. Il le prouvera bientôt une fois de plus aux attaques de Champagne vers lesquelles il va s’acheminer.


Le régiment est relevé de son premier secteur et quitte Cappy le 28 juillet. Il cantonne à Bayonvillers du 28 au 31 juillet, à Fouilloy-Corbie du 1er au 5 août. Dans ce dernier cantonnement il prend un premier contact avec les troupes anglaises. Il continue ensuite sa marche vers le sud. Le 6, il cantonne à Chaussoy après une marche de nuit assez pénible. Du 7 au 10 août, il séjourne à Francastel où il organise, avec beaucoup de succès, une séance récréative en plein air. Les artistes amateurs ne manquent pas parmi nos jeunes recrues. Les gens de lettres ne font pas défaut non plus. Le 416e a fondé une gazette de tranchée dès son arrivée en secteur. Le journal porte un titre significatif dès le début, il se nomme L’Anticafard, est remplacé bientôt par celui de Poilus et Marie-Louise. Ce dernier titre est plus élégant et de plus, il rend bien la composition du régiment où les poilus de la première heure coudoient les jeunes imberbes de la classe 1915.

C’est aussi pendant le séjour à Francastel, le 8 août, que le 416e reçoit la visite du général JOFFRE. Le sympathique « Grand-père » passe ses petits-fils en revue et leur distribue quelques précieux cadeaux : des jumelles, des montres, des portefeuilles, des couteaux et de nombreuses pipes. Nos jeunes soldats conserveront religieusement ces affectueux souvenirs de leur Grand Chef. Le général se montre très satisfait, il fait l’éloge de la belle tenue et de la belle conduite du régiment, il lui exprime toute sa confiance. Il dit ce qu’il attend de nous dans la grande bataille qui se prépare. Ses espérances ne seront point déçues et ce jeune régiment se fera décimer aux deux tiers pour assurer la victoire de Champagne.


Le 416e va se porter à pied d’œuvre pour aménager le terrain d’attaque. Après avoir cantonné à Wavignies du 11 au 12 août, il embarque en chemin de fer le 13 à Gannes. Il débarque pour la 2e fois à Cuperly, le 14 août. Il cantonne à Cheppes-la-Prairie, Togny-aux-Bœufs et Vouciennes du 14 au 17 août, le 18 et le 19 à Franceville, le 20 à Courtisols. Du 20 au 28, le régiment bivouaque dans des petits bois de sapins au nord-ouest de la Croix-en-Champagne. Du 28 août au 3 septembre, le 416e occupe le secteur de la Maison Forestière. Le 1er bataillon est en première ligne et subit des pertes assez élevées.

Du 3 au 24 septembre, le régiment bivouaque dans les parages des côtes 204, 152 et 171 entre le village de Somme-Suippes et la Maison Forestière. Les troupes occupent des abris constitués par des charpentes recouvertes de tôles ondulées ou de papier goudronné.

Ces abris sont vieux. La vermine et les rats y abondent. Pendant toute cette période il prend une part très active à la préparation du terrain d’attaque. Il creuse de grands boyaux de communication destinés à relier les tranchées de première ligne avec l’arrière. Il se livre à ce travail jour et nuit. La tâche est très rude et n’est pas sans danger. Les travailleurs sont exposés fréquemment au tir de l’artillerie ennemie. Toute une section du premier bataillon est ainsi presque anéantie par un tir de harcèlement.

Le 24 septembre, comme il avait été convenu, les travaux sont terminés. Pour un secteur de trois kilomètres environ, le 14e corps d’armée dont le 416e fait partie, dispose de 9 boyaux : 6 pour l’accès, 3 pour l’évacuation. Ces boyaux constituent un travail gigantesque exécuté en un temps relativement court. Ils ont 3 à 4 kilomètres de long et permettent à deux hommes de passer de front. Tous les quinze mètres il y a un abri d’une dizaine de mètres. Ces parties de boyaux recouvertes sont destinées à abriter les troupes d’assaut et à amener les troupes de renfort sans avoir trop à souffrir des tirs de barrage.

Toutes les dispositions sont prises en vue de l’attaque du 25 septembre.

Dans la nuit du 24 au 25, à 22 heures, le régiment quitte le bivouac pour aller s’installer dans les boyaux qui lui ont été affectés comme places d’armes. Le 2e bataillon de garde devant « La Poche » (entre Perthes et Maison Forestière) est relevé par un autre régiment et se porte à sa place par des transversales. Le mouvement est très long en raison de la lenteur d’écoulement des troupes qui nous précèdent.

C’est seulement à 6 heures que les bataillons sont installés sur leurs emplacements respectifs : 1 er bataillon dans le boyau A4 , 2e bataillon dans le boyau A6 et le 3e bataillon dans le boyau A7 . A 5 heures, l’intensité du bombardement est décuplée. Les lignes ennemies sont complètement bouleversées ; partout s’élèvent des nuages de poussière blanche soulevée par nos projectiles.

Le 416e est réserve du 14e corps d’armée ; il marche derrière la 27e division. A 9 heures 45 les troupes d’assaut franchissent les parapets et s’élancent vers les positions ennemies. On les voit se porter en avant dans les lignes allemandes sans paraître éprouver trop de difficultés, ni trop de pertes. Le 416e ne bouge pas tout d’abord.

Enfin, à 12 heures, le régiment reçoit l’ordre de se porter en avant pour prendre position dans la tranchée d’York, ancienne tranchée allemande située à 1.500 mètres environ au nord de son ancienne première ligne. Cette tranchée est située sur une crête en terrain découvert. Il est chargé de la retourner et de l’aménager en vue d’une défense contre tout retour offensif. La position est battue par l’artillerie allemande, mais le 416e en souffre peu, car le tir est mal réglé à cause de la brume. Il est fait beaucoup de prisonniers sur cette position. Les régiments de première ligne avançant à vive allure en ont laissé beaucoup de cachés dans les petits bois. Ils se rendent par petits groupes de 4 ou 5 en des attitudes mêlées d’humilité et de contentement. Ils lèvent constamment les bras en marchant. Beaucoup emportent nos blessés pour se faire bien voir. Derrière le 416e , l’artillerie et la cavalerie progressent et franchissent nos anciennes premières lignes.

A 17 heures, l’ordre arrive de se porter en avant, tout droit dans la direction du nord, pour renforcer les troupes d’assaut. Le 416e exécute ce mouvement avec très peu de pertes. Chemin faisant, il passe à côté de 7 superbes mortiers allemands défilés derrière une crête et abandonnés pendant la retraite. A 18 heures, le 416e arrive devant la route de Souain à Tahure, à environ 1 kil.500 à l’ouest de ce dernier village.

A 20 heures, les dispositions sont prises en vue d’une attaque du 1er bataillon contre la tranchée de la Vistule située sur une crête au nord-ouest de Tahure, crête désignée par la côte 151. Le 75e est arrêté devant cette tranchée et a besoin de renforts. Le 2e bataillon prend de même les positions pour attaquer la côte 193. A 21 heures arrive le contre-ordre : l’attaque est remise au 26 au petit jour. Le régiment passe la nuit dans une prairie aux abords de la route de Souain à Tahure et du camp d’Elberfeld. Il fait très sombre et il tombe un peu de pluie. Le 26 au matin, notre artillerie prépare l’attaque.

Malheureusement sa progression a été gênée par la pluie et les difficultés du déplacement. Par suite du mauvais temps l’observation est difficile. La préparation est faible. Le 1er bataillon et le 3e bataillon se mettent en marche vers le nord, vers la tranchée de la Vistule. Ils grimpent la pente qui les conduit sur un plateau traversé du sud-est au nord-ouest par la route de Tahure à Somme-Py. Ils arrivent sur le plateau au lever du jour vers 5 heures. La fusillade commence, les schrapnels font rage. Par bonds successifs les compagnies se portent à hauteur du 75e régiment d’infanterie.

Le 416e se trouve à l’extrême-droite du 14e corps d’armée. Immédiatement à la droite du 416e , le 116e régiment d’infanterie (XIe corps d’armée), essaye de tourner le village de Tahure. Nos troupes d’assaut gravissent la cote 151 qui borde au nord la route de Somme-Py à Tahure et sur laquelle se trouve la 2e position ennemie. Cette organisation est très forte. La partie essentielle en est constituée par la tranchée de la Vistule située à contre-pente.

La position est protégée par d’épais réseaux de fils de fer à peu près intacts. Nos troupes ne peuvent franchir de pareils obstacles. Elles s’y accrochent jusqu’à 10 heures malgré des pertes énormes principalement en officiers. Au 1er bataillon du 416e il ne reste plus qu’un sous-lieutenant. Tous les autres officiers ont été tués ou blessés.

Les Allemands tentent une contre-attaque. Elle est repoussée. Pris à partie par nos mitrailleuses, l’ennemie reflue en désordre dans ses tranchées de départ. Pendant le combat et sous un très violent tir de barrage, le 2e bataillon qui s’est d’abord porté sur les pentes de la cote 193, appuie à droite pour se porter au secours du 1er bataillon. Vers 11 heures, il tente un nouvel effort sur la tranchée de la Vistule. Son chef, l’impassible commandant LECLERC, est blessé en montant à l’assaut à la tête de son unité. Le 2e bataillon prend pied dans un fortin situé sur la crête au sud de la tranchée de la Vistule, mais pris sous le feu de nombreuses mitrailleuses et de nombreux canons-revolvers, il ne peut s’y maintenir et subit de très lourdes pertes. Il a perdu dans cet assaut les 2/3 de ses officiers. La journée du 26 a été sanglante pour le 416e .

Les unités se reforment dans la nuit du 26 au 27. Dans la matinée du 27, elles prennent leurs dispositions pour une nouvelle attaque qui sera précédée d’une préparation d’artillerie. A 16 heures, le 416e s’élance de nouveau à l’assaut des positions ennemies. Les réseaux n’ont pas été démolis. Des brèches sont faites avec les cisailles et avec les pioches. Malgré de lourdes pertes, il réussit à occuper le fortin situé sur la crête et à s’y maintenir. Quelques éléments de la 6e et de la 8e compagnies pénètrent même dans la tranchée de la Vistule, mais étant trop en flèche, ils ne peuvent s’y maintenir et se replient sur le fortin. Les attaques des 26 et 27 septembre font surgir de nombreux exemples de courage, d’abnégation et de dévouement.

Le colonel donne l’exemple : quoique blessé le 26 septembre, il conserve le commandement du régiment.

Le soldat ANDRÉ, de la 12e compagnie, fait preuve d’une téméraire énergie. Bien que blessé au bras par un éclat d’obus, il pénètre dans la tranchée allemande et s’y bat à coups de crosse avec les occupants et peut ensuite rentrer dans nos lignes.

Le 26 septembre, le caporal Georges TURINES et le soldat CANAVY Louis se portent spontanément en avant sous une pluie de balles pour dégager et ramener leur chef de section grièvement blessé et tombé dans les fils de fer ennemis.

Le clairon LAPORTE Auguste voyant que la troupe d’assaut est clouée au sol par un violent tir de mitrailleuses, se dresse sous les balles et sonnant la charge de toutes ses forces réussit à faire reprendre la marche en avant.

Enfin, le sergent Jules BABAU, de la 8e compagnie, donne un magnifique exemple de courage et de sang-froid. (Ce brave se trouvait en Amérique à la mobilisation ; poussé par un ardent patriotisme il s’embarqua de suite pour venir prendre sa place au combat). Il est blessé dans le début de l’engagement du 26 septembre. Sa blessure le met dans l’impossibilité de se créer un abri. Il reste debout sous le feu des mitrailleuses et fait organiser la position conquise. Il ne veut pas être évacué, conserve le commandement de sa section et se distingue à nouveau aux combats du 27.

Le 26 septembre, le lieutenant PAZA, commandant la 7e compagnie, monte à l’assaut à la tête de son unité. Il est mortellement blessé par une grenade en abordant la tranchée ennemie. Il meurt en criant : « En avant, mes enfants, en avant quand même ! ».

Ce serait trop long de citer tous les actes d’héroïsme de cette bataille. Beaucoup parmi les plus beaux resteront à jamais ignorés. Ils sont tous honorés par la belle citation suivante : « Jeune régiment ayant rapidement acquis de remarquables qualités de cohésion et d’entrain. Sous la direction de son chef, le lieutenant-colonel AUDEMA, s’est porté, le 26 septembre, à l’attaque des tranchées allemandes dans un ordre parfait, avec une ardeur admirable, faisant montre, en outre, du calme d’une vieille troupe. Malgré les pertes sérieuses qu’il a subies, chassé par le tir des mitrailleuses et des canons-revolvers des portions de tranchées qu’il avait réussi à occuper, a fait face à une contre-attaque qui l’a amené jusqu’au deuxième réseau de fils de fer des tranchées ennemies. » (Ordre général n° 40 du 21 octobre 1915). Signé : Général PÉTAIN, commandant la 2e armée.

Marius Artaud, mort le 26 septembre 1915

RI 416 jo
A Roanne

Le régiment reçoit à cette occasion les félicitations les plus affectueuses de tous ses chefs. Le 14 novembre, au pied du Ballon d’Alsace, près de Giromagny, le général JOFFRE décore le drapeau du 416e et remet la rosette d’officier de la Légion d’honneur au colonel AUDEMA. Entre temps le régiment se reforme et panse ses blessures. Il y eut plus de 1.100 tués ou blessés. Il reçoit un important renfort sur le champ de bataille. Cette reconstitution commence à partir du 2 octobre. Ce jour-là, pour fêter l’arrivée des nouveaux venus, la musique donne un concert sur nos anciennes premières lignes, entre les boyaux A1 et A2 . Le régiment bivouaque dans les parages de la Maison Forestière du 29 septembre au 15 octobre. Il travaille à organiser le centre de résistance du Trou-Bricot où la 28e division a fait plus de 2.000 prisonniers.


Le 416e quitte la Maison Forestière le 15 octobre pour aller cantonner à Saint-Rémy. Le 16, il arrive à Togny-aux-Bœufs où il cantonne pendant deux jours. Le 18 octobre, il s’embarque à Vitry-la-Ville. Il débarque à Belfort le 19 et occupe ses cantonnements de repos. L’état-major et le 1er bataillon cantonnent à Evette, le 2e bataillon à Bas-Evette, le 3e bataillon à Erevet.

Pendant le séjour d’un mois et demi dans la banlieue de Belfort, le 416e jouit d’un repos bien mérité. Le régiment continue à recevoir des renforts pour se recompléter. L’instruction est reprise à partir du 21 octobre. Des cours sont institués à Plancher-Bas pour perfectionner les jeunes chefs de section qui viennent d’être nommés pour remplacer ceux qui sont tombés en grand nombre en Champagne.

Le régime des permissions de détente est inauguré. Il est accordé des permissions de la journée pour aller à Belfort. On organise des concerts. Chaque bataillon fait isolément une excursion au Ballon d’Alsace.

Le 416e quitte ses cantonnements de repos le 8 décembre pour aller occuper un secteur en Alsace et appartenir à la R. F. B. (région fortifiée de Belfort) sous les ordres du général DEMANGE. Après avoir cantonné à Menoncourt le 8 et le 9 décembre, à Bréchaumont le 10, il arrive en deuxième ligne à Uberkümen et Falkviller le 11.

Le 19 décembre, le colonel quitte Falkviller et va installer son P. C. à Hecken où il restera jusqu’au 27 janvier. Le régiment occupe d’abord le secteur compris entre le canal du Rhône au Rhin et Burnhaupt-le-Haut, mais au bout d’une semaine le 416e est resserré vers le nord. Le 2e bataillon est relevé à Balschviller par un bataillon du 30e d’infanterie et se porte dans le secteur de Gildviller-Hecken.

Ce secteur est assez calme, mais la boue le rend très pénible surtout à la « Pointe » sur les bords de la Specbach. Le régiment a deux bataillons en première ligne. Le bataillon de droite tient l’ouvrage avancé de « Vaffier » (1re compagnie), face au village de Hammerzviller occupé par l’ennemi. « L’ouvrage Vaffier » a été bouleversé par la mine, mais actuellement la lutte souterraine a cessé ; l’eau a dû envahir les galeries. Une autre compagnie du bataillon de droite occupe les ouvrages 6 bis et 4 bis situés à 300 mètres en retrait de l’ouvrage Vaffier. Le bataillon de gauche occupe par une compagnie les ouvrages du « Ponceau », de la « Cuvette » et de la « Pointe » situés sur la route de Thann à Dannemarie. Une autre compagnie de ce bataillon tient l’ouvrage des « Gabions », l’ouvrage « Central » et l’ouvrage des « Poiriers », face au village de Burnhaupt-le-Haut. Les compagnies de soutien des bataillons de première ligne sont dans les bois de Gildviller-Église et de la Hêtraie. Le bataillon de réserve est au cantonnement de Guévenatten.

Le 416e quitte le secteur d’Alsace le 27 janvier 1916.


Après une longue marche, il cantonne à la Rivière du 27 au 30 janvier, puis retrouve son ancien cantonnement d’Evette du 30 janvier au 4 février. Par étapes, il gagne ensuite le camp d’Arches où il doit faire des manœuvres. Il cantonne à Belonchamp le 4, à Breuchotte le 5, à Plombières-les-Bains le 6 et arrive dans ses cantonnements d’instruction le 7 février. L’état-major et le 1er bataillon sont à Raon-Basse, le 2e bataillon à Raonaux-Bois, le 3e bataillon à Raon-Racine. Ces cantonnements ne sont pas très intéressants ; ils font regretter Plombières où le régiment n’a fait que passer. Néanmoins les hommes y vivent quelques heures de franche gaîté et la séance récréative donnée à Raon-Basse le 20 février a beaucoup de succès. Le 14e corps d’armée reste une vingtaine de jours au camp d’Arches. Malgré le mauvais temps et malgré la neige, l’instruction se poursuit d’une façon intensive sous la direction du général BARET, commandant le 14e corps.


VERDUN

Le 14 février, le général BARET fait une conférence très intéressante à Arches, devant tous les officiers de la 28e division. Brusquement, l’ordre de départ vient interrompre l’instruction. Le 416e quitte Raon dans la nuit du 26 au 27 février.

La même nuit il embarque sous la neige à la petite gare de Daunoux. Il débarque à Souilly d’où l’on entend la lugubre canonnade de Verdun. Par étapes, il se dirige vers cette place forte. Il cantonne à Sauvoy le 28, à Broussy-en-Blois le 29, à Saxéville le 1er mars, à Neuville-enVerdunois le 2, à Sommedieu le 3.

En arrivant dans ce dernier village, le régiment y est salué par les obus ennemis. Il s’installe pour une nuit dans ce cantonnement peu sûr et trop étroit. Le 4 mars, il se porte au camp Romain.

Dès le lendemain, dans la nuit du 5 au 6, il va relever des territoriaux qui se sont repliés au bas des Côtes de Meuse.

Le front du régiment s’étend de Châtillon exclu à Ronvaux inclus. Le P. C. du colonel est au château de Watrouville dont la tour forme un excellent observatoire. Le 1er bataillon occupe la partie E. et S.-E. du village ; la liaison est assurée à gauche le long du chemin de fer meusien par la 7e compagnie (ferme de Souloges) et la 8e compagnie (cote 152). Les deux autres compagnies du 2e bataillon sont détachées au 3e bataillon qui est chargé de la garde de Ronvaux. Dans la nuit du 15 au 16 mars, le régiment est relevé par le 99e d’infanterie. Le 2e bataillon se porte au S.-W de Haudiomont au camp de la Fontaine Saint-Robert ; le P. C. du colonel et le reste du régiment reviennent au camp Romain, puis vont au camp Massa

Tombe d’Alfred Berquez, mort le 14 mars 1916

En arrivant dans ce dernier village, le régiment y est salué par les obus ennemis. Il s’installe pour une nuit dans ce cantonnement peu sûr et trop étroit. Le 4 mars, il se porte au camp Romain. Dès le lendemain, dans la nuit du 5 au 6, il va relever des territoriaux qui se sont repliés au bas des Côtes de Meuse. Le front du régiment s’étend de Châtillon exclu à Ronvaux inclus. Le P. C. du colonel est au château de Watrouville dont la tour forme un excellent observatoire. Le 1er bataillon occupe la partie E. et S.-E. du village ; la liaison est assurée à gauche le long du chemin de fer meusien par la 7e compagnie (ferme de Souloges) et la 8e compagnie (cote 152). Les deux autres compagnies du 2e bataillon sont détachées au 3e bataillon qui est chargé de la garde de Ronvaux. Dans la nuit du 15 au 16 mars, le régiment est relevé par le 99e d’infanterie. Le 2e bataillon se porte au S.-W de Haudiomont au camp de la Fontaine Saint-Robert ; le P. C. du colonel et le reste du régiment reviennent au camp Romain, puis vont au camp Massa.

A ce moment, de grands changements se produisent dans le commandement. Le 21 mars, le lieutenant-colonel BOILEAU prend le commandement du régiment en remplacement du lieutenant-colonel AUDEMA. Ce dernier est promu colonel et reçoit le commandement de la 56e brigade le 20 mars. Le général PEILLARD a été mis à la tête de la 28e division le 18 mars en remplacement du général SORBETS appelé à un autre commandement.

Pendant son séjour en réserve, jusqu’au 6 avril, le régiment est employé à organiser le plateau des Bluses et à assurer les communications entre ce plateau et Haudiomont.

Dans la nuit du 6 au 7 avril, il relève le 30e d’infanterie dans le secteur d’Haudiomont. Le 2e bataillon (commandant de LAMY) garde la partie nord, le 3e bataillon (commandant BUJON) défend la partie sud. Le 1er bataillon (commandant EMMERY) est en réserve à la Fontaine Saint-Robert. Le P. C. du colonel est à la carrière des Bluses, sur la route de Verdun.

Le régiment est relevé par le 41e régiment d’infanterie coloniale : le 3e bataillon dans la nuit du 12 au 13 avril, le 2e bataillon dans la nuit du 13 au 14 avril.

Les secteurs du bas des Côtes de Meuse occupés par le 416e ont été assez calmes pendant son séjour. Il y a peu d’actions d’infanterie. Il y a cependant à signaler le petit coup de main effectué par le caporal LÉGLISE, les soldats AZAÏS et MOREL de la 7e compagnie. Ce petit groupe fait preuve de sang-froid et de crânerie. Dans la nuit du 11 au 12 avril, au cours d’une patrouille, il bondit sur une sentinelle ennemie, repousse les hommes du petit poste accourus à son secours et ramène le corps d’un Allemand qu’ils ont tué.

S’il y a peu souffert d’actions d’infanterie, par contre a-t-il eu beaucoup à souffrir de l’artillerie ennemie. Cette dernière a littéralement écrasé sur ses unités les villages de Watronville et de Ronvaux qui avaient encore quelques habitants à leur arrivée.

Le 13 mars, pendant un très violent bombardement, une section du 3e bataillon est ensevelie dans une cave de Ronvaux. Le ravitaillement est assez difficile surtout les premiers jours. Il est heureusement complété par les provisions que les hommes trouvent dans les maisons bombardées. Après la relève, les bataillons vont cantonner à Dieux et ensuite à Condé-en-Barrois.

Le régiment séjourne dans cette dernière localité du 15 au 19 inclus. Le 20 avril, à 6 heures, il est enlevé précipitamment en automobiles et transporté par la « Voie Sacrée » (Bar-le-Duc – Verdun) jusqu’à Balescourt. Après avoir bivouaqué au Bois-la-Ville jusqu’à 18 h.30, les bataillons se portent sur Verdun par une marche assez pénible, sur des chemins défoncés et dans une nuit très noire. Une partie du régiment est logée à la Citadelle, le reste cantonne dans divers établissements de la ville (collège, gendarmerie, sous-préfecture, etc.). Le régiment reste en réserve à Verdun jusqu’au 29 avril.

Cependant, dès son arrivée dans cette place, le 2e bataillon est détaché à Froide-Terre. Il est utilisé pour organiser une position à contre-pente entre Thiaumont et Fleury. Pendant son séjour à Froide-Terre, le 2e bataillon subit quelques pertes par suite de violents bombardements. Dès le 30 avril, tout le régiment est en secteur entre la ferme de Thiaumont et la cote du Poivre (ravin de la Dame, bois Navé, boyau Rémi, petite carrière d’Haudremont, tranchée des Caurettes). Les lignes ennemies sont encore imprécises surtout dans le ravin de la Dame. Le 2 mai, la 5e compagnie tente un coup de main au nord-ouest de la carrière d’Haudremont.

L’ennemi a l’avantage du terrain. Le sergent ROBLIN est mortellement blessé en défendant avec acharnement, sous une avalanche de grenades, le boyau qu’il vient de conquérir. Du 1er au 7 mai, le sous-lieutenant CARALP, de la 4e compagnie, occupe avec quelques hommes un petit poste avancé particulièrement dangereux. Cette poignée de braves repousse à trois reprises à la baïonnette et à la grenade, des fractions ennemies qui tentent de l’enlever et capture des prisonniers. Au cours d’un bombardement intense faisant présager une grosse attaque imminente, ce petit groupe se porte encore 200 mètres en avant pour voir arriver plus tôt l’ennemi.

Le 7 mai, les Allemands font une puissante attaque précédée d’un bombardement d’une violence inouïe. Elle se produit entre la ferme de Thiaumont et le ravin de la Dame sur le front du 1er bataillon. Les 3e et 4e compagnies sont anéanties. Le 1er bataillon est aux 2/3 décimé, mais son chef, le commandant EMMERY, prend rapidement des dispositions appropriées et réussit à enrayer l’avance ennemie. Le 1er bataillon est encadré à gauche par le 2e bataillon qui reste accroché aux pentes sud du bois d’Haudremont. Ce dernier fait des feux très efficaces sur le flanc de l’attaque ennemie.

La position occupée par le 2e bataillon forme une flèche dans les lignes adverses. Elle permet à son chef (capitaine CLAVIER) de donner au commandement des renseignements précis et fréquents qui permettent à ce dernier de prendre ses dispositions pour repousser l’attaque. Le 1er peloton de la 3e compagnie de mitrailleuses, sous les ordres du sous-lieutenant BOMPAR, cause de grandes pertes à l’ennemi. Il est cité à l’ordre du régiment pour avoir : « Les 7 et 8 mai 1916, par la précision et l’intensité de ses feux, fixé à proximité de son point de départ, un important détachement ennemi qui tentait de tourner les positions d’un secteur voisin ; le 12 mai, malgré la mise hors d’usage d’une pièce, contribué au succès d’une contre-attaque exécutée par un régiment voisin, en l’appuyant par d’utiles feux de flanquement. »

Le régiment a beaucoup souffert dans ce secteur. Le ravitaillement a été très difficile. Les pertes ont été très élevées. La relève a lieu dans la nuit du 9 au 10 mai, sauf pour quelques sections de mitrailleuses. Le régiment cantonne à Verdun du 10 au 12 mai. Il quitte cette ville dans la nuit du 12 au 13 et s’installe au bivouac au Bois-la-Ville.

Il embarque en auto le 13 et est transporté à Nèves-devant-Bar. Le 416e se reforme à Rozières du 13 au 20 mai ; puis il va cantonner à Nand-le-Grand (état-major et 1 er bataillon), Montplone (2e bataillon) et Maulan (3e bataillon). Le régiment séjourne dans ces cantonnements du 20 mai au 4 juin. L’instruction est reprise pour amalgamer les renforts constitués en grande partie par des jeunes gens de la classe 1916.

Le 25 mai, le général PÉTAIN passe en revue le régiment et le félicite pour sa belle tenue et sa belle conduite à Verdun. Le 3 juin, suivant les instructions reçues, le détachement du dépôt divisionnaire est constitué par le prélèvement des 4e , 8e et 12e compagnies. Presque tous les officiers de ces compagnies demandent à rester à la portion active. Le 4 juin, le régiment embarque de nouveau en auto et regagne un secteur de Verdun.

Il cantonne à Dieue dans la nuit du 5 au 6. Il arrive au camp de la Béholle le 6 et monte en ligne dans la nuit du 7 au 8 juin pour relever le 323e d’infanterie. Il occupe le secteur du Mardi-Gras jusqu’au 20 juin.

Il est relevé dans la nuit du 21 au 22 par le 30e d’infanterie, pour aller stationner au camp de la Béholle jusqu’au 2 juillet. Pendant ce séjour, le régiment va exécuter des travaux de nuit en deuxième ligne. C’est un travail dangereux et pénible. Il remonte en secteur du 3 au 13 juillet. Le P. C. du régiment est à l’abri d’Eix. Enfin il va prendre un demi-repos au camp de la Béholle, du 14 au 25 juillet.

Le 22 juillet, le lieutenant-colonel PLAN prend le commandement du régiment. Puis c’est encore l’occupation du secteur du Mardi-Gras du 26 juillet au 18 août et le demi-repos au camp de la Chiffour du 19 au 23 août. Le 24 août, le 416e va occuper un secteur beaucoup plus dangereux que ceux dont il a eu la garde depuis son arrivée à Verdun. Le P. C. du colonel est au Mardi-Gras. Le 1er bataillon tient le secteur de la Laufée. Il y subit de grosses pertes par suite de violents bombardements. La 3e compagnie en particulier y perd, en quatre jours, plus de la moitié de son effectif et les deux tiers de ses officiers. Le 3e bataillon est à droite au Bois Carré et à la ferme Bourveaux. Le 2e bataillon est en réserve à la Fontaine de Tavannes. Le 31 août, le régiment est relevé par le 92e d’infanterie. Il va prendre le repos aux camps du Tremblay, des Réunis et de Sommedieue et y reste jusqu’au 8 septembre. Du 9 au 16 septembre, le régiment a la garde du front Moulainville – Eix. Le secteur est assez calme, néanmoins le bombardement lui cause des pertes.

Le chef de bataillon BUJON est tué par un obus à son poste de commandement à Moulainville-Basse. Il est remplacé à la tête du 3e bataillon par le commandant PRIEUR. Enfin le régiment occupe le secteur Chena – Montricelle du 25 septembre au 1er novembre. Il est relevé dans la nuit du 1er au 2 et passe la nuit du 2 au 3 au camp de la Chiffour.


Le 3 novembre, par ordre du Général en Chef, la 28e division est ramenée à neuf bataillons. Cette mesure entraîne le départ du dernier régiment arrivé, c’est-à-dire du 416e . Le général PEILLARD, commandant la 28e division, fait part des regrets que lui cause cette brusque séparation. Dans un ordre du jour pathétique, il exprime l’affectueuse émotion qu’il ressent au moment du départ du régiment : « Il n’oubliera pas le beau 416e , vibrant, plein de jeunesse et d’entrain, ardent et irrésistible dans l’attaque, ferme et inébranlable dans la défense, héroïque toujours. Le vaillant 416e cité à l’ordre de l’Armée pour ses impétueux assauts de Champagne et qui a inscrit au Livre d’Or de la division une de ses plus belles pages de gloire ! »

L’état-major de la 56e brigade est également supprimé et le colonel AUDEMA adresse à l’ardeur juvénile du 416e les saluts affectueux et paternels de son premier chef. Les jours difficiles vécus ensemble en Picardie, en Alsace, en Champagne et à Verdun lui sont une garantie de la brillante part que prendra le régiment dans les luttes prochaines. En jetant un dernier regard sur l’emblème décoré du 416e , il y voit la gloire de ses futures destinées. Le régiment embarque en gare de Dugny le 3 novembre et arrive le 4 au camp de Mailly. Il est rattaché à la 154e division commandée par le général BRETON. L’infanterie divisionnaire est sous les ordres du général de MONTBEILLARD.

Le 416e vient de passer huit mois à Verdun. Il est le seul régiment de sa nouvelle division qui ait été cité à l’ordre de l’Armée et dont le drapeau soit orné de la Croix de guerre. IL aura à cœur d’être d’ores et déjà le régiment d’élite de cette division. L’instruction se poursuit au camp de Mailly jusqu’au 28 novembre sous la direction du général HIRSCHAUER, commandant le 18e corps d’armée auquel le 416e est momentanément rattaché. Le 28 novembre, par étapes, le régiment reprend la direction de Verdun.

Le 29 et le 30 novembre, il cantonne à Freignicourt, du 1er au 11 décembre à Jussécourt, le 12 à Coutusson, le 13 à Loupy-le-Petit, du 14 au 20 à Haigeville. Le 16 décembre, au lendemain de la grande victoire de Douaumont, le général GUILLAUMAT prend le commandement de la 2e armée en remplacement du général NIVELLE appelé au commandement des Armées du Nord et du Nord-est. Le 21 décembre, le régiment est transporté à Verdun. Deux bataillons sont transportés par voie ferrée, un bataillon en auto. Il est mis à la disposition du groupement D E commandé par le général MUTEAU.

Dans la nuit du 24 au 25 décembre, après une marche très pénible à travers un désert de boue et de trous d’obus où les hommes s’enlisent, le 416e va occuper le secteur des Caurrières. Le P. C. du colonel est au ravin du Kelly. Il subit de violents bombardements, en particulier dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Un ordre du jour porté par un agent de liaison allemand fait prisonnier par la 3e compagnie en donne l’explication : l’artillerie ennemie redouble d’activité parce que les Allemands craignent une attaque le 1er janvier au matin. Il y a peu d’actions d’infanterie.

Le 10 janvier, après une préparation d’artillerie très violente, les Allemands tentent un coup de main sur la droite (boyau Lacroix). Pris à partie par les fusils mitrailleurs, ils sont repoussés et ne peuvent aborder la tranchée occupée par le 416e. Le secteur des Chambrettes – Bois-le-Chaume et Bois des Caurrières est un des plus mauvais secteurs tenus par le régiment.

Les Chambrette en février 1917. Comment tenir une position ici ?

Non seulement il y subit de fortes pertes, mais il a encore à lutter contre le froid, ennemi bien aussi redoutable que le « boche ». Les communications avec l’arrière étant encore très mal assurées, le ravitaillement est défectueux. Toutes les corvées sont obligées de passer par une même piste qui est constamment battue par les tirs de harcèlement ennemis.

Dans la nuit du 17 au 18 janvier 1917, le régiment est relevé. Il redescend bien amoindri. Beaucoup d’unités ont perdu près de la moitié de leur effectif. Le 2e bataillon en particulier y a perdu son chef. Le brave commandant MONTEIL, qui a toujours fait preuve d’une activité inlassable, a été mortellement blessé le 12 janvier 1917.

Après la relève, le 416e va cantonner à Verdun. Le 18 au soir, il embarque dans la gare de cette ville et arrive à Saint-Dizier (Haute-Marne), dans la journée du 19. Il cantonne à Hallignicourt du 19 au 22 janvier et reçoit des renforts venant des régiments dissous. Il embarque à Saint-Eulien (Haute-Marne) le 23 janvier, débarque à Liancourt (Oise) le 24 et cantonne à Balagny le même jour. Le 25 il se porte à Ully-Saint-Georges où il reste jusqu’au 2 février. Il profite de cet arrêt pour reprendre l’instruction et amalgamer les renforts. Il reçoit la visite du général FRANCHET d’ESPEREY.


La Somme

Ensuite le régiment reprend sa marche vers le nord pour aller occuper un secteur dans la Somme. Le 2 février, il cantonne à Haudivillier, le 3 à Puits-la-Vallée et Maiconcelle, du 4 au 6 à Neuville-auxBois et Louvrechy. Enfin le régiment arrive dans le secteur de Chilly-Maucourt où il reste du 7 au 21 février. Le secteur est assez calme, mais la boue le rend bien désagréable au moment du dégel. Tous les parapets s’écroulent, les boyaux et les tranchées sont des ruisseaux de boue glacée où l’on s’enfonce jusqu’à la ceinture. Dans la nuit du 21 au 22 février, le régiment est relevé par les troupes anglaises de la 105e brigade de la D. I. W. (Scherwood Forester).

La relève est très longue et très difficile à cause de la boue. Il embarque en auto à Caix et arrive à Bonneuil-les-Eaux le 22 au soir. Il y séjourne jusqu’au 24 février, puis reprend sa marche vers le sud. Il cantonne à Bois-Renault, Saint-André-Farivillers et Campreny le 25 et le 26 février, à Glauriette, Fournival et le Mesnil-aux-Bulles le 27, à Bury et Balagny le 28. Le lieutenant-colonel DIEULEVEULT prend le commandement du 416e le 28 février 1917. Le régiment a un assez long repos à Corbeil-Cerf, Parfondeval et le Déluge du 1er au 10 mars. Puis il reprend ses étapes, cantonne à la Neuville-sous-Clermont le 11 mars, à Moutiers du 12 au 15, à la Neuville-Roy le 16. Il quitte ce dernier cantonnement le 17 au matin. Après un petit arrêt à Cuvigny, il arrive dans la région de Crapeaumesnil dans la nuit du 17 au 18 mars. L’ennemi exécute la fameuse retraite d’Hindenburg. La 154e division a été instruite pour l’exploitation, mais elle n’intervient pas cette fois dans la poursuite. Le 416e reste au bivouac à Crapeaumesnil du 18 au 20 mars, puis il quitte ce pays de ruines pour redescendre vers le sud.

Il cantonne à la Neuville-Roy le 21 mars, à Pont-Sainte-Maxence du 22 au 23, à Rully et Fresnoyle-Suat du 24 au 26, à Betz, Sévignan et Antilly le 27, à Neufchelles du 28 mars au 2 avril, à Germigny-sous-Coulomb, Villiers-le-Vaste, Écoute-s’il-Pleut, Marigny-en-Orxois du 4 au 7, à Mouthiers (Aisne) du 8 au 9, à Villeneuve-sur-Fère le 10, à Coulonges-en-Tardenois (localité et camp) le 11, à Baslieux-les-Fismes le 15, le 16 et le 17.

Par ordre du jour du général NIVELLE, nous apprenons l’entrée en ligne de l’Amérique. Nous sommes rattachés à Xe armée (général DUCHÊNE). Le 416e est appelé à prendre part à l’attaque du Chemin-des-Dames. Cette attaque n’ayant pas eu le développement qu’on en escomptait, la division n’intervient pas dans l’exploitation du succès. Après une marche d’approche d’une dizaine de kilomètres et après une journée d’attente, le régiment regagne dans la nuit son cantonnement de Baslieux-les-Fismes. Il va cantonner à Coulonges du 18 au 20 avril, revient à Baslieux-les-Fismes le 21 avril, à Gleunes du 22 au 26, puis à Baslieux-les-Fismes du 27 avril au 3 mai, à Gleunes le 4, à Maizy le 5, le 6 et le 7 mai. Il cantonne à Beaurieux dans la nuit du 7 au 8 mai. Il y est longuement bombardé par les avions ennemis. Il arrive au camp de Blanc-Sablon dans la matinée du 8 mai, il y passe l’après-midi et monte dans le secteur de Craonne, dans la nuit du 8 au 9 mai. Le P. C. du colonel est à la tranchée du Balcon, dans un ancien abri ennemi.

L’ennemi prononce de violents attaques pour reprendre les plateaux de Californie et de Vauclerc.

Le 10 mai au soir, il tente d’enfoncer le front de la 5e compagnie (lieutenant VIGROUX), il est repoussé avec de lourdes pertes.

Le 13 mai, il renouvelle son attaque sur le front de la 11e compagnie (capitaine PRATX). Il est également repoussé, il laisse du matériel et des prisonniers entre nos mains.

Ces deux compagnies sont citées à l’ordre de la Xe armée avec les motifs suivants :

« Violemment attaquée par de forts effectifs, sur une position importante récemment conquise, a résisté brillamment sous l’énergique impulsion de son chef, le lieutenant VIGROUX, à plusieurs assauts et, malgré la disparition de presque tous ses cadres, et en dépit de pertes sérieuses, a rejeté l’ennemi dans ses lignes et maintenu intacte la position qu’elle était chargée de défendre (10 mai 1917) ».

« Chargée de défendre une position extrêmement importante, a fait face à une attaque de plusieurs compagnies allemandes, les a contre-attaquées avec une rare souplesse de manœuvre et a montré, sous la direction énergique et intelligente de son chef, le capitaine PRATX, une ténacité et un courage exceptionnels (13 mai 1917) ».

La 1re pièce de la 2e section de la 3e compagnie de mitrailleuses contribue pour une large part à repousser l’attaque sur le front de la 11e compagnie. Elle est citée à l’ordre du 18e corps d’armée avec le motif suivant : « Le 13 mai 1917, après une mise en batterie rapide exécutée sous le feu de l’ennemi, a jeté la panique dans les rangs de l’assaillant qui a dû battre en retraite dans le plus grand désordre, laissant entre nos mains des tués et des blessés ». Son chef, le sergent BOUSQUET, est cité à l’ordre de l’Armée pour sa courageuse et calme intervention.

Le régiment est relevé dans la nuit du 19 au 20 mai. Il a subi de grosses pertes. La violence des bombardements et la fréquence des attaques ennemies ont fait du plateau de Vauclerc et du plateau de Californie un des secteurs les plus rudes. Le ravitaillement a été difficile : les hommes ont beaucoup souffert de la soif sur ces plateaux arides et constamment bouleversés. De plus, les abris allemands occupés sont infestés de vermine. Les « poux » boches ne sont pas de moindres ennemis ; les hommes les craignent autant si ce n’est plus que les obus allemands.

Malgré le danger, malgré les souffrances, les privations et les misères, le moral reste très élevé. Témoin le vieux sergent LEVÊQUE de la 3e compagnie. Ce brave sous-officier a été blessé en montant en secteur. Sa blessure pourrait le dispenser d’aller aux tranchées ; elle pourrait lui éviter le séjour dangereux du plateau de Craonne, mais n’écoutant que son devoir, il refuse d’être évacué. Il ne consent à l’évacuation qu’après la relève de son unité et lorsque le bataillon est au repos.

Après un court séjour au camp de Blanc-Sablon, le régiment fait une nouvelle occupation du secteur de Craonne du 29 au 31 mai. Il redescend ensuite à Maizy, est embarqué en auto et transporté à Chéry-Chartreuve où il arrive le 1 er juin. Il y reste au repos jusqu’au 15 juin. Il est de nouveau enlevé en auto le 16 et ramené à Maizy dans la nuit du 16 au 17.

Le 416e occupe une troisième fois le secteur de Craonne du 17 juin au 6 juillet. Il y subit encore de lourdes pertes occasionnées parles violents bombardements ennemis. Le 19 juin, le capitaine TERRACOL est pulvérisé par un obus en traversant un tir de barrage. Ce brave officier n’a pas hésité à affronter la mort pour se rendre compte par lui-même de ce qui se passait en première ligne malgré la violence du tir ennemi.

Après un long séjour dans un secteur des plus difficiles, le 416e va enfin pouvoir jouir d’un repos bien gagné. Il se reforme à Baslieux-les-Fismes du 7 au 16 juillet ; puis par étapes, il se dirige vers la région parisienne. Il cantonne à Coulonges le 17 juillet, à Passy-sur-Marne le 18, à Moulins le 19, à Chézy-sur-Marne le 21, à Saint-Ouen-sur-Morin du 22 au 26 juillet et enfin à Chelles, Gournay, Noisiel du 29 juillet au 12 août. Le 13 août, le 416e reprend ses pérégrinations pour se rapprocher du front. Il cantonne le 13 à Nantouillet, le 14 à Nanteuil-le-Haudoin, le 15 à Vaumoise, le 16 à Mortefontaine. Le 18 août, il franchit l’Aisne à l’ouest de Fontenoy et pénètre dans la région dévastée par les Boches. Le régiment cantonne dans les camps de Vauxrejis et de Chavigny ; le 20, dans le village complètement démoli de Clamecy.

Le 416e occupe le secteur de Vauxaillon du 21 août au 6 septembre, secteur de Vuillery du 7 septembre au 5 octobre. Ces secteurs sont assez calmes. Cependant, c’est dans ce secteur que le 416e perd un de ses plus brillants chefs de bataillon, le commandant COTTAZ, blessé grièvement à Laffaux.

La relève a lieu dans la nuit du 5 au 6 octobre. Le P. C. du colonel se transporte à Vrégny. Les bataillons sont utilisés pour la préparation de l’attaque du village d’Allemant. Le régiment cantonne à Crouy le 29 octobre, à Villiers-la-Fosse le 3 novembre, à Bagneux le 6, à Clamecy le 11, à Ambleny-Fontenoy le 16.

Le 20 novembre, le 416e est enlevé en auto et transporté à Grandru où il séjourne jusqu’au 29. Dans la journée du 30, il est embarqué à nouveau et transporté à Beauvois. Il gagne ensuite Marteville où il stationne dans des baraquements du 1er au 15 décembre. Pendant toute cette période, le régiment est en soutien des Anglais ; il travaille à organiser leur deuxième position. Il redescend ensuite au repos, cantonne à Ercheu le 16 décembre, puis séjourne à Orviller-Sorel du 17 décembre au 6 janvier.

Le 6 janvier 1918, le 416e fait mouvement pour aller occuper un secteur au sud de Saint-Quentin. Les étapes sont très pénibles car les routes sont couvertes de verglas. Il est très difficile de se tenir debout sur le milieu de la chaussée, on est obligé de marcher sur les bas-côtés. Après avoir cantonné à Grisolles le 6 janvier, le régiment arrive à Jussy le 7 ; il bivouaque au camp des États-Unis où il séjourne jusqu’au 9 janvier.

Le 416e monte en secteur le 10 janvier. Le P. C. du colonel (P. C. Hoche) est à la station d’Essignyle-Grand. Le secteur est assez calme : il y a peu d’actions d’artillerie et l’activité de l’infanterie ennemie se borne à quelques coups de main toujours repoussés. Le régiment subit très peu de pertes. Il n’a eu qu’un seul tué pendant ce séjour aux tranchées ; c’est le brave lieutenant VIGROUX tué le 18 janvier à son poste d’observation pendant la préparation d’un coup de main ennemi.

Tombe de Victor DUFOUR, mort le 12 janvier 1918

Ce soldat natif de la Somme est mort de maladie en Janvier 1918 à l’hopital de Ressons sur Matz.

La relève a lieu dans la nuit du 26 au 27 janvier dans des conditions analogues à celles de la relève de février 1917 dans la Somme. Des troupes britanniques remplacent le 416e . Comme à Chilly-Maucourt, un an auparavant, tous les parapets s’écroulent par suite du dégel et la marche dans les boyaux est très difficile.

Après la relève, le 416e se porte sur Clastres, puis Ville-Selve le 27 janvier. Le 28, il arrive à Moyennecourt-Ereheu où il reste jusqu’au 6 février.


Vosges

Il embarque en chemin de fer le 7 en gare de Nesles et débarque à Bruyères (Vosges) le 8 février. Il va ensuite cantonner à Brouvelieures du 9 au 28 février. Pendant ce temps, les bataillons vont organiser une deuxième position à l’ouest de la ligne Senonnes – Ban-de-Sapt. Ensuite le régiment se dirige par étapes vers la région de Belfort. Il cantonne à Docelles le 1er mars, à Saint-Nabord les 2 et 3 mars, à Plombières le 4, à Fougerolles le 5, à Herboz le 6 et le 7 mars, aux Houillères de Ronchamp le 8, à Frayer du 9 au 11.

Il arrive à Charmois (sud de Belfort) le 12, y séjourne jusqu’au 23, puis cantonne à Bourogne du 24 au 30 mars. Pendant cette période, les bataillons sont mis à la disposition du service routier et du génie des chemins de fer pour créer de nouvelles voies de communication et faire une base de ravitaillement en munitions. Mais, depuis quelques jours, le front anglais est ébranlé et le 416e est dirigé vers ce nouveau champ de bataille. Il embarque à Morvillars le 31 mars et débarque à Persan-Beaumont (Oise) le 1er avril.

Il cantonne à Champlatieux le même jour, à Fronville le 2, à Chaumont-en-Vexin le 3, à Villembray du 4 au 6, à Luchy le 7, à Haloy (Somme) du 8 au 10, à Quévauvillers le 11, à Saint-Waast-en-Chaussée le 12, à Orville le 13, à Sombrin (Pas-de-Calais) du 14 au 18. Il est enlevé en camions automobiles le 19 à 7 heures et débarque à Poperinghe (Belgique) le même jour vers 19 heures. Il est cantonné dans un camp anglais (camp School) du 19 au 20. Ce cantonnement est étroit et peu confortable. Il est dépourvu de paille et il fait encore très froid. Le régiment y reçoit la visite des avions ennemis. Les bombes jetées par ces derniers ne causent pas de pertes.


Le mont Kemmel – Sacrifice

Le 20 avril, il quitte le camp et va cantonner dans des fermes situées entre Poperinghe et l’Abeele. Le 416e va relever le 99e d’infanterie dans le secteur du Mont-Kemmel.

Le haut commandement sait que les Allemands préparent une grosse attaque sur ce point. Il ne cache pas les intentions de l’ennemi. Avant de monter en ligne, le régiment reçoit la consigne de défendre par tous les moyens et jusqu’à la dernière extrémité le secteur extrêmement important dont on va lui confier la garde.

En avril, les allemands tentent de forcer le passage vers les ports de la Manche. Il y a bien des gains de terrais mais cela ne leur apporte pas de gains stratégiques

Les chefs savent qu’ils peuvent avoir confiance, car le 416e a fait ses preuves dans des secteurs très difficiles à Verdun et à Craonne. Le régiment monte en ligne, décidé à défendre la position jusqu’au bout. Le 1er bataillon du 416e relève dans la nuit du 21 au 22 avril le 1er bataillon du 99e sur la position du Petit-Kemmel. Le 23 avril, le 2e bataillon s’installe en soutien sur les pentes ouest du Petit-Kemmel.

Le 3e bataillon reste à Westroute en réserve de division. Le P. C. du colonel se trouve à la tête du ravin situé à l’ouest du col qui sépare le Grand et le Petit-Kemmel. Le 416e est encadré à droite par le 413e qui tient Dranoutre et à gauche par le 30e d’infanterie (28e division) qui occupe le Grand-Kemmel. Le 24 avril à 21 heures, le régiment avance ses premières lignes de 400 mètres environ en avant des fermes Donégal et Aircraft.

Ce mouvement ne peut pas se développer davantage car les régiments voisins ne peuvent réaliser la même avance. Pendant la progression, la section DOUZIECH de la 2e compagnie fait un prisonnier qui donne de précieux renseignements sur l’attaque projetée par l’ennemi pour le lendemain. La préparation d’artillerie se déclenche à 2 h.30.

Sur cette carte on voit la position des différentes compagnies des 1e et 2e bataillons du 416ème / 25 avril matin

Le bombardement est très violent et comporte une forte proportion d’obus à gaz. En raison de l’avance réalisée le 24 au soir par la première ligne, cette dernière souffre relativement peu des gaz et du bombardement car celui-ci est surtout dirigé sur nos anciens emplacements.

Aussi, lorsque vers 5 heures, l’infanterie ennemie commence l’attaque, elle trouve notre garnison de première ligne presque intacte. Cette garnison réussit de la sorte à repousser victorieusement quatre assauts successifs dont le dernier avec lance-flammes et il y a tout lieu de croire que si, à notre gauche, le 30e n’avait pas été enfoncé, les Allemands ne seraient pas passés. Quoiqu’il en soit, pris à revers par les Allemands qui ont gravi les pentes du Grand-Kemmel, tous les défenseurs de notre première ligne sont tués, blessés ou faits prisonniers (d’après les témoignages, le nombre de ces derniers est des plus restreint).

Vers 7 heures, après la chute de la première ligne, la situation est la suivante : le 2e bataillon (commandant HÉRAIL) et les restes de la 3e compagnie (capitaine BLANCHÉ) (environ 50 hommes) ont pour mission de défendre le plateau du Petit-Kemmel et ses abords.

La route de Locre à Kemmel et le mont Kemmel
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Ils ont donc à faire face aux Allemands qui les attaquent de front, à ceux qui, occupant le Grand-Kemmel, les dominent de leurs feux, à ceux qui, par infiltration, ont réussi à contourner le Petit-Kemmel.

Le Mont Kemmel au centre et le village de Locre à droite. Mai 1918.

La situation est déjà des plus graves ; les fusils, les mitrailleuses et les avions allemands nous tuent beaucoup de monde. C’est à ce moment que le sous-lieutenant PRAT meurt en disant à son sergent : « Je vais mourir, mais il faut tenir jusqu’au dernier homme en attendant l’arrivée des renforts. » Le capitaine BEFFEYTE avec environ un peloton de la 7e compagnie résiste après s’être fait couvrir sur sa gauche par un léger détachement (aspirant MORLON) dont tous les hommes sont d’ailleurs rapidement mis hors de combat. Au moment où la résistance a cessé et après un combat acharné, il ne disposait plus que d’une dizaine d’hommes.

La situation du capitaine BLANCHÉ n’était guère plus brillante. Aidé des lieutenants MORA et TURINES, il résiste avec une mitrailleuse dans une tranchée située sur le plateau du Petit-Kemmel. Les 5e et 6e compagnies moins favorisées que la 3e ne disposent pas de tranchées ; leurs hommes utilisent des trous d’obus où les sont presque tous tués ou blessés. La 2e compagnie de mitrailleuses, dans la mesure du possible, donne satisfaction à toutes les demandes d’intervention qui lui sont adressées. Le lieutenant MOREAU avec une de ses pièces ne cesse de balayer le plateau du Petit-Kemmel pour empêcher l’infanterie allemande d’y accéder.

A la fin de l’action, toutes ses pièces sont hors d’usage et presque tout son personnel hors de combat (ses officiers tués). Ainsi pendant près de 2 heures, entouré de tous côtés et bien que tout espoir d’être secouru ait disparu, le 2e bataillon résiste jusqu’au moment (10 h.45) où les Allemands, ayant achevé d’encercler le Petit-Kemmel, disposent une mitrailleuse devant chacune des entrées du P. C. et menacent de massacrer tout le personnel valide qui s’y trouve si la résistance du plateau ne prend fin. Il y avait dans le même abri un personnel assez nombreux : 2 P. C. de lieutenant-colonels anglais, 2 P. C. de colonels français (30e et 416e ), 3 P. C. de chefs de bataillon. Tout le personnel de liaison et les prisonniers déjà faits sont rassemblés devant le P. C. ; deux mitrailleuses sont braquées sur le groupe et vont rentrer en action si la résistance du plateau ne cesse pas immédiatement. Toutes les armes et les munitions disponibles ont été utilisées ; dans le P. C. ne se trouvent que des hommes non armés d’un fusil.

C’est à ce moment et devant la menace de massacre qui est faite par les Allemands que l’ordre est donné au capitaine BLANCHÉ de cesser la résistance. Cet officier, les lieutenants MORA et TURINES demandent à continuer, mais le commandement ne croit pas devoir leur accorder cette faveur. Ils se sont donc rendu les larmes aux yeux, la rage au cœur et après s’être embrassés. Ils disposaient d’une trentaine d’hommes, mais ces derniers ne pouvaient évidemment prétendre rester maîtres de la situation. « En raison de l’encerclement du Petit-Kemmel, de la menace précitée et des nombreuses victimes qu’elle eût inutilement sacrifiées, continuer eut été de la folie, d’ailleurs toutes les munitions avaient été épuisées. » (Rapport du lieutenant-colonel commandant le 416e régiment d’infanterie sur la défense du Mont Kemmel).

Si le 25 avril 1918 est une date néfaste pour le 416 e , elle est aussi une des plus glorieuses. « Oui, le 416e s’est admirablement comporté à la défense du Mont Kemmel et cet épisode de la guerre est certes un des plus brillants. Mais il est aussi un des moins connus. Qui aurait pu faire le récit de ce haut fait d’armes puisque personne n’était revenu.

A 7 heures le P. C. du colonel aurait pu sans doute trouver encore le moyen de s’échapper, comme l’avait fait, une heure auparavant, le colonel du 30e d’infanterie. Mais le colonel et son état-major pouvaient-ils abandonner le P. C. en des moments aussi graves et donner aux combattants l’impression d’une fuite ? Chacun donc demeura à son poste ». (Rapport du lieutenant VIALTEL, officier de renseignements du 416e au Mont Kemmel). Pourtant à partir de 9 heures tout espoir d’une intervention de renforts pouvait être considéré comme perdu en raison de la présence au delà du Kemmel, vers Bruloze, de nombreuses troupes allemandes. Mais l’ordre était de « Tenir jusqu’au bout » ce secteur important et il a été pleinement exécuté.

Il convient aussi de signaler que les sacrifices consentis par les hommes et les cadres méritent d’autant plus d’être mentionnés qu’ils étaient désintéressés. Tous se rendaient compte, en effet, qu’en dehors des officiers du régiment personne ne serait témoin de leur bravoure et que dans ces conditions aucun espoir de récompense n’était permis. Tous, cadres et troupe, ont néanmoins fait leur devoir, beaucoup plus que leur devoir.

En plus des hauts faits d’armes notés ci-dessus, il y a à signaler particulièrement la conduite héroïque du caporal RABAUD Armand de la 3e compagnie. Ce jeune gradé est blessé au début du combat du 25 avril. Après un pansement sommaire, il refuse de se laisser évacuer et reprend sa place de combat. Il est mortellement frappé à la fin de la bataille en faisant le coup de feu debout sur le parapet afin d’empêcher les équipes de lance-flammes de s’approcher de la tranchée.

Le beau geste de son chef de demi-section, le sergent GRANIER, n’est pas moins touchant. Le combat a cessé faute de munitions et sur la menace de massacre faite par un officier allemand. Le sergent GRANIER est blessé et se trouve étendu près du caporal RABAUD mortellement atteint. Il assiste aux derniers moments de ce héros. Le moribond lui fait comprendre qu’il serait heureux qu’il prenne sa montre pour rapporter ce précieux souvenir à sa famille. Le brave sergent accepte cette délicate mission.

Les Boches arrivent. Ils fouillent les cadavres et les blessés pour leur enlever l’argent et les bijoux. Le sergent GRANIER donne sa montre pour sauver celle de son camarade. (Dès sa rentrée en France, le sergent GRANIER s’est empressé de rechercher l’adresse de la famille RABAUD et de lui envoyer son précieux souvenir). Cet exemple montre que nos courageux soldats avaient le cœur bien trempé et étaient aussi de bien braves gens.

Combien d’autres faits d’armes extrêmement brillants resteront à jamais ignorés ! « A l’heure où il devient utile de rechercher les beaux épisodes de la grande guerre, la gloire des soldats français rejaillit de faits si surabondants que l’historien en est réduit, lorsqu’il veut dégager ce qu’il y a de plus beau et de plus pur, à ne retenir que les faits auxquels semblent se mêler le prodige.

La résistance du 416e au Mont Kemmel est un de ces faits prodigieux. Le régiment a été à peu près anéanti au Mont Kemmel. Il ne reste plus à la fin avril que quelques éléments du 3e bataillon. Ce bataillon a moins souffert que les deux autres, mais il a eu néanmoins beaucoup de pertes en contre-attaquant le 25 avril.

Le 29 c’est le dernier bataillon du régiment qui est activé (le 3ème).

Il a été également beaucoup éprouvé le 28 et le 29 avril. Dans la nuit du 29 au 30, le 3e bataillon est relevé par des éléments du 16e corps d’armée.

Les restes du 416e sont embarqués en auto à Abeele le 1er mai et transportés à Malo-les-Bains où ils cantonnent jusqu’au 6 mai. Entre temps, le C. I. D. passe au 416e pour le reformer. Le lieutenant-colonel ARQUÉ prend le commandement du régiment à la date du 1er mai. La 9e compagnie forme le 1er bataillon (capitaine MATHIEU), la 10e compagnie forme le 2e bataillon (commandant BURHER), la 11e compagnie le 3e bataillon (commandant ALLIER). Pendant le séjour à Malo-les-Bains, le cycliste BEC est décoré de la Médaille militaire par le général BRETON, commandant la 154e division, pour sa vaillante conduite au Kemmel.


Aisne

Le 416e embarque à Dunkerque le 7 mai et débarque à Épernay le 8 mai, à 20 heures. Il continue à se reformer à Dammery (Marne) du 8 au 27 mai. Il y reçoit la visite du général GOURAUD. Le régiment n’a plus sa cohésion antérieure. Il est formé d’éléments disparates et en particulier de récupérés et d’ouvriers d’usines sans instruction militaire, qui l’alourdissent beaucoup.

Le régiment embarque en auto le 27 et débarque au camp d’Arcis-le-Ponsart le 28 mai à 6 heures. Il prend immédiatement des dispositions pour arrêter le flot allemand qui a franchi le Chemin-des-Dames. Le 2e bataillon tient la vallée de l’Orillon, le 3e bataillon défend Dravegny, le 1er bataillon est vers Arcis-le-Ponsart. Le 29 au matin, ce dernier élément est complètement cerné et disparaît, sauf un certain nombre de fuyards. Le capitaine MATHIEU, commandant le 1er bataillon, est capturé. Le 2e bataillon découvert à sa droite, abandonne peu à peu la vallée de l’Orillon et se retire dans les bois qui dominent Dravegny à l’est. La situation du 3e bataillon est précaire. Il tient têteaux Boches de 3 heures du matin à 9 h.30, selon l’ordre donné de tenir coûte que coûte.

A 9 h.30 environ, des éléments ennemis sont arrivés par infiltration derrière le bataillon. Le repli doit se faire par l’ouest du village. Il coûte des pertes énormes et quelques prisonniers. Le commandant ALLIER abandonne le dernier village et est tué glorieusement à la sortie sud de ce dernier. Son corps ne peut être emmené et est abandonné à l’ennemi.

Le capitaine PRATX prend le commandement du 3e bataillon. Obéissant à un ordre formel de repli, avec le commandant BAUDET, commandant le 2e bataillon, il se porte en combattant vers Cohan, Coulonges et Cierges où le combat est rompu. Puis les restes du 416e gagnent Tréloup et Dormans.

L’arrivée à Dormans a lieu très tard dans la nuit du 29 au 30 mai. Le 2e bataillon (commandant BAUDET) a pour mission de défendre le pont de Varenne-Jaulgonne. Le 3e bataillon (capitaine PRATX) défend celui de Dormans. Le lieutenant MONTFOURNY du 3e bataillon défend le pont de Passy.

Le Boche n’attaque pas et surveille la Marne des hauteurs où il s’est établi. Successivement les ponts de Passy et de Varnne-Jaulgonne sont, par ordre, détruits. Le pont de Dormans saute le dernier. Les bombardements de 150 dont il était le point de mire cessent instantanément. La liaison entre les 3 groupes du régiment est assurée par des cuirassiers à pied (commandant DOMENECH) et par des auto-mitrailleuses.

Le 416e a bien tenu sa place dans les combats qui ont précédé le repli sur la Marne. Le 1er peloton de la 3e compagnie de mitrailleuses s’est distingué tout particulièrement. Il est cité à l’ordre du 5e corps d’armée avec le motif suivant : « Du 28 au 29 mai, après des mises en batterie exécutées sous le feu violent des mitrailleuses ennemies, par la précision et l’intensité de son feu, a brisé la puissante tentative de l’adversaire et a assuré le repli de son bataillon dans les conditions les plus critiques, en infligeant de grosses pertes à l’ennemi ». (Ordre général n° 73 du 5 juillet 1918).

Pendant les mêmes combats, le soldat RATIER Jean, de la 3e compagnie, tient en échec avec son fusil-mitrailleur une importante fraction ennemie. Blessé une première fois, il continue à tirer jusqu’à ce que plusieurs nouvelles blessures l’aient mis complètement hors de combat.

Le lieutenant ROTIVAL de la 10e compagnie, enthousiasme ses hommes par son absolu mépris du danger. Atteint de deux blessures successives, il conserve le commandement de la compagnie. Il ne consent à se laisser évacuer qu’après une troisième blessure. Il est atteint une quatrième fois en se rendant au poste de secours.

Dans la nuit du 4 au 5 juin, le 416e est relevé sur les bords de la Marne par des cuirassiers à pied et par quelques compagnies anglaises. Le régiment se porte à Mardeuil où il arrive le 5 juin.

A l’arrivée, le général BRETON fait chevalier de la Légion d’honneur le capitaine PRATX pour sa belle conduite au Kemmel et à Dravegny. L’aide-major de 1re classe CHEVILLET reçoit la Croix de guerre avec palmes pour le même motif. Le régiment reste cantonné à Mardeuil jusqu’au 7 juin. Il cantonne à Cumières du 8 au 9, à Vertus du 10 au 12. Le capitaine de MORAS prend le commandement du 3e bataillon, le capitaine MERCKLEM prend celui du 1er bataillon.


Le 416e embarque en chemin de fer le 12. Il débarque à Dongermain (Meurthe-et-Moselle) le 13 juin et y séjourne jusqu’au 24 juin. Le régiment se reforme avec des éléments du 268e . Il entre en ligne dans le secteur de Flirey le 25 juin. Il y fait l’instruction d’une division américaine jusqu’au 17 juillet. La relève complète par des troupes américaines a lieu dans la nuit du 17 au 18 juillet.

Le 416e est transporté en camions automobiles à Dombasle où il débarque le 18 juillet. Il reste dans ce cantonnement jusqu’au 22 juillet. Le régiment occupe ensuite le secteur de Valhey du 23 juillet au 15 septembre. Il remplace le 10e groupe de bataillons de chasseurs à pied. Il a un bataillon en ligne à Arracourt, un bataillon à Valhey, un bataillon au repos à Einville. Plusieurs coups de main sont exécutés sur les lignes ennemies. A signaler celui exécuté par le 2e bataillon qui donne des résultats satisfaisants. Les capitaines de MORAS et MERCKLEM sont promus chefs de bataillon. Le 416e quitte le secteur de Valhey le 15 septembre.

Il cantonne à Haussonville les 16 et 17 septembre. Il embarque en chemin de fer à Bayon le 18 et débarque à Épernay le 19. Il cantonne à Souilly et Plivot le 19, Jaillons-les-Vignes le 21, à la ferme de Bouy le 23, au camp des Échelons le 24 et monte en secteur le 25.

Le 26 septembre, il attaque devant Saint-Soupplet. Grâce au brouillard, la progression est assez considérable et les pertes sont peu élevées.

Le sergent LAUSADE de la 1re compagnie s’empare avec 10 hommes : d’un canon, de deux mitrailleuses, de plusieurs mitraillettes et d’une quarantaine de prisonniers.

Le sergent COUVRAT Clément, de la 1re compagnie de mitrailleuses, a une de ses mitrailleuses enrayée au cours d’une contre-attaque. Malgré le feu très violent des mitrailleuses ennemies, il n’hésite pas à monter sur le parapet de la tranchée pour mettre sa pièce en état de tirer. Il réussit ainsi à reprendre le tir presque instantanément et à causer de lourdes pertes à l’ennemi.

Le 27, l’attaque est enrayée et nos éléments ne progressent que péniblement à la grenade.

Le commandant BAUDET est tué pendant qu’il faisait une reconnaissance pour préparer l’attaque. Son remplaçant, le capitaine GALLAIS, est tué le lendemain en entraînant son bataillon à l’assaut. Le lieutenant MONFOURNY et le lieutenant BAUDET sont tués également.


Le soldat BRUSA André, de la 2e compagnie de mitrailleuses, est mortellement atteint pendant qu’il transporte à lui seul, sous le feu des mitrailleuses ennemies, son chef de section grièvement blessé.


A Auberive
Tombe du Lieutenant Montfourny à Auberive

Le 27 septembre, le soldat TRABAUD Hugues, de la 6e compagnie, est chargé de porter un ordre à son unité pendant un violent bombardement. Il est blessé au cours du trajet. Après un pansement sommaire, il continue sa route et ne se laisse évacuer qu’après avoir complètement rempli sa mission.

Le 28 septembre, on fait quelques légers progrès. Le 2 octobre, une tranchée tenue par la 6e compagnie est soumise à un feu très meurtrier. Le jeune soldat EMELIN Alphonse se redresse malgré les nombreuses rafales de mitrailleuses qui rasent le parapet ; il ajuste tranquillement un Allemand qui prend la tranchée d’enfilade avec sa mitrailleuse, l’abat et sauve ainsi sa compagnie d’une situation très critique.

Le même jour, au cours d’une violente contre-attaque ennemie, les soldats PIERREL Georges et VAUDRILLE Robert de la 6e compagnie, armés d’un fusil-mitrailleur, se portent spontanément en avant pour interdire aux assaillants l’accès d’un boyau. Ils préfèrent se faire tuer sur place plutôt que de reculer ou de se rendre.


Le 2 octobre, le sergent BORNAC, de la 10e compagnie, est chargé de reconnaître un village occupé par l’ennemi. Il pénètre hardiment dans ce village à la tête d’une petite patrouille. Quoique blessé, il continue sa mission et rapporte des renseignements très précieux.

A Auberive
A Auberive, tombe de Gerorges Pierrel mort le 2 octobre 1918

Le 4 octobre, la progression est rapide et est marquée par la prise de Saint-Soupplet. Le 5, des éléments français (334e ) nous dépassent et vont occuper la vallée de l’Arne. Du 5 au 9, le P. C. du colonel est à 1 kil. est de Saint-Martin-l’Heureux. Du 9 au 10, nous relevons le 334e à Hausoné. Le colonel ARQUÉ est évacué. Le commandant de MORAS prend le commandement du régiment. Le capitaine PRATX commande le 3e bataillon ; le capitaine DUFOUR commande le 2e bataillon. Le 10 octobre, l’ennemi se replie. La poursuite commence. L’axe de marche du 416e passe par la Neuville-en-Tourne et Juniville. Il y a un petit arrêt devant Juniville.

Des reconnaissances sont envoyées dans la nuit du 10 au 11. Le 11, l’ennemi cherche de nouveau à rompre le contact. La poursuite est reprise. Le 2e et le 3e bataillons sont en première ligne, le 1er bataillon est en réserve. L’axe de marche passe par Juniville, Mesnil-les-Auxelles, Trugny à l’ouest de Rethel. Le 11 au soir, le 3e bataillon atteint la Tombe, mouvement de terrain à 800 mètres sud de Trugny, où il a un engagement rapide mais violent avec l’ennemi. Celui-ci se replie de l’autre côté du canal de l’Aisne. Le 12 octobre, le 1er bataillon prend la place du 3e et atteint sans difficulté le canal de l’Aisne, à Trugny.

Le 1er bataillon tente de traverser le canal par des moyens de fortune. Le 14 octobre, le sergent BÉZINGUE Jean-Baptiste, à la tête d’une patrouille de volontaires, franchit en plein jour le canal de l’Aisne, sur un radeau, malgré le feu croisé des mitrailleuses ennemies. Le radeau coule à pic. L’audacieux groupe de patrouilleurs est privé de tout moyen de retraite. Il fait face héroïquement à trois attaques successives, tenant tête aux Allemands jusqu’à l’épuisement complet de ses munitions. Le sergent BÉZINGUE, quoique prisonnier, reçoit la Médaille militaire.

Le 416e a gagné sa première citation en Champagne le 26 septembre 1915 ; c’est également en a gagné sa première citation en Champagne le 26 septembre 1915 ; c’est également en Champagne, exactement trois ans après, le 26 septembre 1918, qu’il mérite sa deuxième palme.

Le général GOURAUD, commandant la IVe armée, cite le 416e dans les termes suivants : « Régiment qui réunit au plus haut point les plus belles qualités d’ardeur guerrière, de dévouement et de discipline. Chargé pendant la bataille du 26 septembre 1918, en Champagne, d’une attaque délicate a su, sous l’habile direction de son chef, le lieutenant-colonel ARQUÉ, manœuvrer avec une réelle maîtrise et emporter les premières positions ennemies, malgré la vive résistance de nombreuses mitrailleuses. A réussi, après un combat opiniâtre de plusieurs jours, à conquérir tous les objectifs, capturant plus de 300 prisonniers, 5 canons, une quarantaine de mitrailleuses et 8 les objectifs, capturant plus de 300 prisonniers, 5 canons, une quarantaine de mitrailleuses et 8 minen ». (Ordre général n° 1449).

Le 416e prend une part très active à la poursuite, surtout pendant la première quinzaine d’octobre. Il traverse un pauvre pays où tout a été détruit par les Boches ; Juniville est rasée, tous les ponts sont coupés. Seuls subsistent dans la campagne d’immenses champs de choux qui font les délices de nos hommes.

En franchissant la Retourne à Juniville, un avion vient jeter des grenades sur le 3e bataillon. Les mitrailleuses ripostent et l’avion est touché. Il vient s’abattre vers Mesnil-les-Aunelles. Le mécanicien et l’observateur sont tués.

Les premiers Français libérés sont rencontrés à Mesnil-les-Aunelles. Ils sont évacués sur l’arrière, car les Boches ont prévenu qu’ils tireront sur le village. Ils ne manquent pas de le faire. La relève a lieu le 19 octobre et le régiment va cantonner au camp Ludendorf.

Le 20, le 21 et le 22 octobre, le 416e occupe d’anciens camps ennemis. Le 23, il cantonne au camp Berthelot (près de Mourmelon), le 25 à Tours-sur-Marne. Le régiment embarque à Épernay le 29 octobre et débarque à Foussemagne le 1er novembre. Il y cantonne jusqu’au 3. Le 416e monte en secteur le 4 novembre. Le P.C. du colonel est à Bréchaumont.


Armistice

Le 11 novembre, à 11 heures, dès que l’armistice joue, les Bavarois que le 416e a devant lui sortent de leurs tranchées et agitent des drapeaux rouges en criant « République ». Des ordres formels sont donnés aux hommes pour qu’aucun contact ne se produisent avec les belligérants. Le 11 au soir, il y a une grande consommation de fusées des deux côtés. Ce feu d’artifice dure toute la nuit. Le 13 novembre, quatre parlementaires allemands se présentent devant le front du 3e bataillon (capitaine PRATX). Ils sont conduits au corps d’armée. Ils viennent indiquer les emplacements des mines devant le front du régiment. Des civils, la plupart de Mulhouse, viennent demander du pain et de la viande aux avant-postes.

D’autre part, des prisonniers français, italiens, roumains, affluent vers nos lignes. Ils sont dirigés sur des camps spéciaux où le service de santé leur donne les soins que réclame leur état. Le 416e a la joie de voir des soldats du régiment capturés lors de l’attaque de Champagne quelques mois avant.

Le 17 novembre commence la marche en avant pour l’occupation des territoires libérés. Un lieutenant allemand livre 6 pièces lourdes et 120 mitrailleuses, suivant les conditions de l’armistice. Les officiers et les soldats allemands sont, à leur départ et sous nos yeux, hués par les populations alsaciennes. Partout un accueil chaleureux nous est réservé. Partout les rues et les maisons sont pavoisées : inscriptions de bienvenue, fanions et drapeaux flottent de toutes parts.

Le régiment cantonne à Niedersteinbrun le 17 novembre, à Dietwiller le 18 novembre. Du 21 au 31 décembre, le 416e séjourne à Habsheim. La municipalité de cette ville fait une réception enthousiaste au régiment. Ce dernier pousse des bataillons au Rhin. Il a l’honneur de l’atteindre le premier de toute l’armée française par sa 2e compagnie. Une médaille-souvenir consacre ce fait mémorable.

Un bataillon est à Kembs, un autre à Ottmanheim, le 3e est à Zimmershein, puis à Rixheim, près de Mulhouse. Il fournit les divers postes aux immenses approvisionnements abandonnés par l’ennemi dans la forêt de Hart. Fin décembre, il est appelé à Mulhouse pour assurer l’ordre troublé par les Alsaciens qui pillent les boutiques des Allemands.

Lors de la visite du Président POINCARÉ à Mulhouse, il fournit la compagnie d’honneur, la 11e , sous les ordres du capitaine POUET. Les 2e et 3 e bataillons assurent le service d’ordre.

Ensuite le 416e occupe des cantonnements aux environs de Dannemarie et travaille à la voie ferrée. Puis il embarque pour Lure. Les bataillons sont cantonnés autour de cette ville.

Le 25 mars, la 154e division est chargée de faire l’instruction des Polonais. Elle devient 7e division polonaise (général BONNIN) et est rattachée au 3e corps d’armée polonais commandé par le général de MONDÉSIR. Le 416e devient le 21e Chasseurs polonais.

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Un officier du régiment:

A L’HONNEUR
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